PROUST (Marcel).

Lettre autographe, signée. 102 bld Haussmann ; s.d. ; 5 pages in-12 sur papier deuil. Sur la mort de François d'Oncieu le " petit oncle " de Clément de Maugny, que Proust avait bien connu. Texte d'une " exquise " politesse de mondain transfigurant ce qui aurait pu être une simple lettre de condoléances en un texte littéraire. " Une lettre de Clément de Maugny et la lettre de faire-part elle-même viennent de me causer une profonde douleur. Mon pauvre ami François d'Oncieu, n'est plus, jamais je ne le verrai plus ! Depuis quelques années sans que j'aie pu je ne dis même pas en savoir la raison, mais la soupçonner il avait complètement cessé de me voir. Après être tous les jours chez moi il n'y venait plus une fois par an. Je n'ai jamais pu même supposer pourquoi. Mais notre intimité avait été si complète j'avais goûté si profondément son esprit charmant, sa grâce, sa distinction, sa simplicité, son coeur exquis, son savoir, son naturel, sa finesse, sa bonté, son ironie, sa douceur que j'aurais pu rester dix ans sans le voir et sans cesser de l'aimer tout autant pour cela, et que jusqu'au jour où ce sera mon tour de partir, mon tour qui selon toute apparence devait venir si longtemps avant le sien, son souvenir restera toujours aussi vivant dans mon esprit, aussi doux, aussi cruel. Mais, Monsieur, plus encore qu'à lui c'est à vous que je pense, et sachant l'infinie affection qu'il avait pour vous, je dis que c'est à vous surtout qu'il faudrait que l'on pensât. Rien que d'imaginer votre douleur, votre douleur à vous que je sais si digne de sympathie et à qui j'aurais voulu que toute tristesse fût épargnée, rien que d'imaginer votre douleur me fait tant de peine que je ne peux y penser, ni cependant penser à autre chose. Je ne veux plus troubler votre douleur mais seulement vous dire que je m'y associe très respectueusement du plus profond de mon coeur. Moi qui n'ayant plus ni père ni mère pouvait si bien partir sans faire de chagrin à personne, je sens combien il est i