PROUST (Marcel).

Lettre autographe, signée " Marcel " à son " Cher Clément " [1919] ; 8 pages in-12. Il remercie pour les dessins de Rita de Maugny " si drôles, si jolis (l'infirmière angélique, quelle ravissante apparition !... avant qu'elle devienne infirmière major). La raison de mon silence est hélas fort complexe, laryngite (qui recommence à chaque fois que je me lève) avec plus de 39 de fièvre, d'où abrutissement qui fait que je ne réponds à aucune lettre, ne les ouvre même pas, (si, quand je reconnais ton écriture), n'ai pas corrigé une seule épreuve de mon livre, reçois des lettres furibondes de mon éditeur. Maintenant cela va mieux et je pourrais peut-être travailler si toutes les tuiles ne me pleuvaient sur la tête à la fois. Ma propriétaire sans m'a[voir] prévenu a vendu la maison où j'habite à un banquier qui va sans doute en faire une banque d'où nécessité probable de déménager, et, alors que je m'étais arrangé verbalement avec l'expropriétaire, de payer d'un seul coup au nouveau les termes échus pendant la guerre [Il paiera 27.000 frs]. Tout cela te donne une faible idée de mes soucis. Malgré cela je penserai à ce que tu me dis mais je ne voix pas dans la gamme de ce que je connais ce qui pourrait te convenir comme éditeur. Je n'ai fait qu'une fois un volume illustré chez Calmann-Lévy [Les Plaisirs et les Jours] qui n'en a jamais fait d'autre (les illustrations de Mme Lemaire l'avaient attiré). Or il m'a fait savoir des tas de fois qu'il avait perdu un argent énorme avec ce livre et qu'il le vendrait à vil prix si je refusais de le racheter. J'ai refusé naturellement de racheter des milliers de volumes que je ne saurais où mettre, et suis d'ailleurs tout à fait indifférent à ce qu'il fera d'une oeuvre qui diffère du tout au tout de ce que je fais aujourd'hui. Je lui ai donné toute licence. Mais en dehors de cette fâcheuse expérience et que je ne te conseillerais pas chez eux, je ne connais pas d'éditeur du genre que tu dis. Mon Livre paraît à la Nelle Revue Fçaise qui